Cet article décrit la collaboration entre le collectif CABBAK (Collectif Afroféministe Biel Bienne Afrofeministisches Kollektiv) – collectif étendu pour ce projet), qui mène des actions pour promouvoir l’égalité et participer à “la valorisation et à la visibilisation des femmes afrodescendantes (et aux personnes perçues comme telles)1 et le Centre d’art Pasquart de Bienne, représenté par Anna-Lena, collaboratrice scientifique dans le service de médiation culturelle. Artiste et membre du collectif microsillons, j’ai suivi cette collaboration.
Lors de notre première rencontre au Centre d’art Pasquart, les membres de CABBAK abordent la philosophie Ubuntu comme un possible axe déontologique pour notre projet. Dans les institutions culturelles où la signature individuelle et les logiques de distinctions restent la norme, travailler autour de l’idée que “Je suis car tu es” 2 apparaît comme un déplacement à la fois simple et radical.
Au fil des rencontres – menées principalement en français mais ponctuées de vocables alémaniques – l’adjectif “bunt” (multicolore, varié) reviendra fréquemment.
Malgré les origines épistémologiques tout à fait distinctes de ces deux termes, le mot valise d’u-bunt-u résonne ainsi avec l’approche développée pendant l’année et demi qu’a duré le projet décrit ci-dessous, et deviendra le titre du projet.
Oppressions
En mettant en place Réinventer la pédagogie des opprimé·e·x·s, la question de la validité du terme “opprimé·e·x·s“ a été posée à l’équipe de recherche par de nombreu·se·x·s interlocuteur·ice·x·s dans le cadre de demandes de financement, de présentation du travail dans des cadres académiques ou par des partenaires sur le terrain. Le choix de travailler – pour ce projet qui s’inscrit dans une recherche protéiforme plus large autour de Paulo Freire et Genève, commencée par microsillons en 20103 – avec des groupes de personnes ayant un parcours migratoire était un moyen de resserrer la réflexion autour de ce terme dans la société suisse contemporaine, même s’il convient de l’aborder avec une approche intersectionnelle.
Dès les premiers échanges avec CABBAK, le terme d’oppression est apparu comme adéquat pour parler de la réalité vécue par des personnes racisées au sein des institutions culturelles en Suisse. D’ailleurs, travailler autour de la Pédagogie des opprimés a tout de suite été une grande source de motivation pour l’engagement de CABBAK au sein du projet, même si aucune des membres du collectif n’avait lu l’ouvrage de Freire au préalable.
Suite à notre première rencontre, les membres du collectif proposent de poser, à des membres de leur famille ou des personnes rencontrées dans le cadre professionnel qui fréquentent peu les musées, une série de questions sur leurs liens aux institutions culturelles. Les réponses montrent les obstacles symboliques et sociaux qui freinent encore l’accès à la culture.
De nombreuses personnes avec un parcours migratoire interrogées font part d’un fort sentiment d’exclusion lors de leurs expériences dans des institutions culturelles, qui leur donne l’impression parfois que “l’art c’est un truc de prétentieux”.
Plusieurs personnes témoignent avoir souvent eu l’impression de faire l’objet d’une surveillance accrue de la part des gardiens, ce qui avait provoqué chez elles une forte gêne.
Des personnes noires expliquent notamment avoir déjà quitté un musée en voyant qu’uniquement des personnes blanches le visitaient et en ayant le sentiment que “les musées ne sont peut-être pas pour nous, mais pour les Suisses”, ne trouvant aucun élément auquel s’identifier dans les collections ou les expositions.
La gêne vient également du fait que la médiation culturelle ne soit la plupart du temps pas intégrée dans l’exposition elle-même : une personne interrogée préconise ainsi un accompagnement systématique dans le musée “pour ne pas être obligée de demander de l’aide pour comprendre”.
Répondant à la question “quel changement faudrait-il pour que j’aille plus souvent au musée”, l’une de ces personnes conclut : “j’attends qu’on m’y invite”.
Éviter l’essentialisme par une logique de cercles excentriques
Malgré ces expériences partagées par des nombreuses personnes racisées fréquentant peu les institutions culturelles, les membres de CABBAK, Olga, Nadine et Fatima – prenant acte de leur propre situation de femmes racisées ayant des parcours de formation longs et étant impliquées dans plusieurs projets leur donnant une certaine visibilité – proposent d’ouvrir le groupe qu’elles forment à un deuxième cercle de personnes, contactées parmi leurs familles, leurs amis ou leurs connaissances professionnelles ; des personnes noires ou non, femmes ou hommes, ont alors rejoint le groupe (dont la géométrie a varié au fil des rencontres, autour du noyau de départ) : Kassem, Mbete, Thomas, Frida, Solange et Baptiste. Au sein de ce groupe volontairement éclectique, certaines personnes ont une expérience directe de la migration et d’autres non. Malgré la difficulté à maintenir une participation de toutes et tous sur la durée, le groupe de départ est content de cette décision et considère que la dimension hétéroclite fonctionne bien 4 .
Cette démarche est une manière de remettre en cause la notion de “public-cible”, qui est souvent présente dans ce type de projet, et d’éviter des formes d’essentialisation, c’est-à-dire d’adresses qui s’appuient sur l’idée qu’une caractéristique partagée (la couleur de peau en l’occurence ici) par les membres d’un groupe devrait surdéterminer d’autres caractéristiques et mener à une adresse homogène… Même si les expériences vécues par des personnes racisées dans des lieux culturels a servi de point de départ aux échanges, cette invitation faite à d’autres personnes permettra d’aborder la notion d’oppression de manière plus complexe et intersectionnelle.
Motivations
Pour CABBAK, l’idée de pouvoir prendre la parole publiquement pour aborder des préoccupations des personnes impliquées dans le collectif était une motivation centrale à prendre part au projet. En parallèle avec les actions militantes menées par le collectif, l’art est perçu ici comme un outil pour faire passer des messages, alors que ce n’est pas forcément quelque chose d’évident d’ordinaire. L’institution culturelle peut ainsi être utilisée pour rendre plus visible ses actions. Mais plus encore, montrer qu’un collectif afro-féministe local, dont l’art n’est pas une activité centrale, peut co-réaliser un projet dans le Centre d’art est un signe positif d’ouverture en soi 5 .
Le collectif 6 note également que, malgré les discours qui se multiplient sur le manque de diversité culturelle au sein des collections et dans les équipes, le domaine de l’art contemporain n’est pas réellement ouvert socialement.
Lorsqu’en 2020 une cinquantaine d’artistes et travailleuses·x·eurs culturelles·x·els noir·e·x·s actif·ve·x·s en Suisse écrivent une lettre ouverte aux institutions et musées suisse pour demander “Comment allez-vous soutenir activement les artistes et les travailleuses·x·eurs culturelles·x·els Noires·x·rs à l’avenir ? Comment comptez-vous activement démanteler la suprématie blanche et les discriminations raciales qui régissent votre structure ?” 7 , la directrice du Centre d’art Pasquart est l’une des rares représentantes d’institutions à répondre, par le biais de sa directrice Felicity Lunn. Le programme récent du Centre d’art montre d’ailleurs une volonté de décentrement culturel 8 .
Travailler avec le Centre d’art Pasquart est donc également un moyen d’œuvrer à un processus général d’autocritique sur les processus de discrimination à l’œuvre dans les institutions culturelles, et de le faire au sein d’une institution déjà ouverte à une forme de déconstruction de ses pratiques.
L’intérêt développé par CABBAK suite aux premières lectures en commun d’extraits de Pédagogie des opprimée tient aussi à la notion “’d’inédit possible” qui est pour Freire (1974 : 102-106) une ouverture vers des transformations du status quo à partir des processus dialogiques mis en place. Des micro-transformations institutionnelles – comme développer des projets où des non-artistes avec un parcours migratoires proposent les thématiques et développent leurs propres discours, ou exposer sans distinction de tels projets dans des espaces d’exposition – peuvent être perçues comme de tels “inédits possibles” et peuvent servir de modèle pour multiplier des actions similaires.
La manière dont l’on peut “faire modèle” avec ce type de projet – en particulier si les budgets de médiation des institutions rendent difficile la mise en place de collaboration sur le long terme – reste néanmoins une question complexe à laquelle l’équipe de recherche tente de répondre par exemple par la mise en place et la diffusion de “d’outils pédagogiques 9 ” basés sur les expériences menées.
Approche méthodologique
Comme présenté en introduction de ce recueil, le principe des collaborations dans chacune des institutions est de mettre en lien un·e médiateur·x·ice culturel·x·le employé·x·e par le musée ou le centre d’art avec un groupe de participant·x·e·s issu·e·x·s d’une association ou d’un collectif et sélectionné·x·e·s par l’équipe de recherche. Cette manière de procéder entend donner la responsabilité de la collaboration à lae médiateur·ice culturel·le dans une logique de transmission des outils issus des pédagogies critiques (auxquelles iel a été familiarisé·e lors de journées d’études préalables) et d’une transformation des pratiques sur le long terme au sein des institutions. En suivant cette approche, le·la membre de l’équipe de recherche engagé·e sur chaque terrain a pour rôle principal d’observer et éventuellement d’accompagner le processus.
La collaboration à Bienne s’est déroulée de manière un peu différente pour plusieurs raisons. Tout d’abord, pour des questions organisationnelles, la médiatrice engagée dans le projet, Anna-Lena, n’a pas participé aux journées d’études (c’est Lauranne, responsable du service de médiation qui l’a fait). L’échange sur les pédagogies critiques, mené dans un deuxième temps, aura donc été plus succinct qu’avec les autres médiateur·ice·s . Deuxièmement, le français n’étant pas la langue maternelle d’Anna-Lena, un échange plus soutenu entre elle et moi dans les phases de préparation des séances était utile. Finalement, les aléas du COVID et de son cortège d’isolements a fait qu’Anna-Lena n’a pas pu être présente à deux séances au début du projet.
Pour ces raisons, à la fois structurelles et conjoncturelles, j’ai à plusieurs reprises proposé le contenu des sessions et mené celles-ci, sortant ainsi du rôle assigné aux chercheur·euse·s dans la planification du projet. J’ai alors cherché à développer une stratégie pour maintenir une place de chercheur au sein du projet et ne pas être happé par un rôle d’organisation et de modération.
Pour tenter de garder une forme de distance réflexive malgré ma forte implication sur le terrain, j’ai décidé d’utiliser un outil qui était très important pour Freire : la lettre 10 . Ainsi, après chaque session, j’ai transmis par e-mail une lettre aux participant·e·s, pour faire part de mes remarques sur les choses discutées, sur des éléments structurels, sur les choses qui m’ont enthousiasmées mais aussi sur les points qui me posaient problème. Ces lettres permettent aussi de garder le lien avec les personnes ayant raté telle ou telle session, puisqu’il est difficile – comme souvent dans ce type de projet avec des groupes non-captifs et pris dans de nombreuses activités – de maintenir une participation de chacun·e·s à toutes les sessions.
Cet échange épistolaire m’apparaît également être un bon moyen de partager en continu sur mes observations (plutôt que d’observer “de l’extérieur” et de livrer après coup un compte-rendu écrit seul), de faire en sorte qu’elles puissent transformer le processus de travail au fil des sessions et générer du dialogue. En cherchant ainsi à rompre avec la distinction entre chercheur·eus·es et objet de recherche, je m’inscris dans la tradition de la recherche action participante – un type de recherche inspirée notamment des écrits de Freire. 11
Une série d’interviews 12 , organisée avec les participant·e·s, Anna-Lena et Lauranne vient compléter cet échange, afin de permettre de donner voix à des perspectives multiples dans cet article, sans donner une tâche supplémentaire trop lourde qu’imposerait la rédaction d’un article en commun.
Déroulé des sessions
Comme sur les trois autres terrains, le principe de générativité 13 – et l’imprévisiblité, son corolaire – est centrale au projet. Une pédagogie dialogique ne saurait définir au préalable une forme à laquelle arriver et, suivant des principes freiriens, c’est uniquement par le dialogue et l’étude d’un contexte donné que des thèmes pertinents, proches des préoccupations des participant·e·s et donc propices à créer de l’échange (les thèmes générateurs) pourront être définis, non dans l’absolu mais pour un lieu et un groupe de personnes spécifiques. Ainsi, c’est une logique de construction de chaque session à partir d’éléments qui ont émergés dans les sessions précédentes qui a prévalu, comme nous le verrons.
La description ci-dessous, parcellaire mais basée à la fois sur mon carnet de terrain (écrit dans la foulée des sessions plutôt que pendant celles-ci, étant donné mon rôle actif dans les échanges) et les lettres envoyées aux participant·e·x·s, montre comment les sessions se sont articulées et construites en prenant en compte les éléments qui ont émergé des dialogues dans les sessions précédentes.
7.10.2021 (Foyer du Centre d’art Pasquart)
Lors de cette première rencontre avec CABBAK, je présente l’ensemble du projet de recherche et explique l’intérêt de l’équipe à contacter un collectif afro-féministe. A partir d’un document de quelques pages qui condense Pédagogie des opprimés, nous discutons de l’approche de Freire et cherchons des points de résonnance avec les expériences des membres du collectif et avec les enjeux du travail de médiation dans un centre d’art.
Anna-Lena présente des actions de médiation réalisées au Centre d’art Pasquart dans le passé (en particulier “Commenter l’art)” et je partage quelques projets réalisés par microsillons.
Apparaît alors l’idée d’ouvrir le cercle à d’autres personnes se trouvant dans des situations moins privilégiées par rapports aux institutions culturelles, en commençant par interroger des personnes proches ou rencontrées dans le cadre professionnel (en particulier le service d’intégration de la Ville de Bienne dans lequel deux des participantes travaillent) sur leur rapport aux musées.
3.11.2021 (atelier de médiation du Centre d’art Pasquart)
La deuxième rencontre permet d’échanger sur les interviews réalisées et d’identifier des formes d’exclusion ou d’oppression vécues par des personnes racisées au sein des institutions culturelles suisses. Un travail concret d’ouverture du groupe commence alors, en identifiant des personnes qui pourraient nous rejoindre. L’idée d’une prochaine rencontre dans les espaces d’exposition eux-mêmes est formulée. Afin que le groupe élargi puisse pleinement se sentir accueilli au centre de l’institution, nous imaginons alors un déroulé pour une séance active dans l’exposition en cours. A un niveau plus métaphorique, l’idée de se référer à la philosophie Ubuntu et de voir notre travail comme un “cheminement” ensemble est formulée. Dans ma lettre au groupe, j’envoie une illustration du livre de Myles Horton et Paulo Freire “We Make the Road by Walking”, pour faire écho à cette image.
9.12.2021 (espaces d’exposition du centre d’art Pasquart)
Au sein de l’exposition “Cantonale Berne Jura”, qui présente une sélection annuelle d’œuvres d’artistes de la région, nous faisons connaissance des membres du groupe élargi. La consigne (imaginée à la session précédente en réfléchissant aux processus d’inclusion et d’exclusion à l’œuvre dans les institutions culturelles ainsi qu’aux critères de sélection des objets pouvant entrer au musée) a été donnée à chacun·e d’amener un objet qu’iel aimerait “voir entrer au musée”. Nous nous installons dans une grande salle de l’exposition, en cercle, en disposant un socle au centre. Chacun·e vient à tour de rôle y disposer son objet, se présenter et expliquer son choix.
La présentation des objets (un cahier de calligraphie, un micro de karaoké, une pied de sapin de Noël doré, une statuette du Cameroun, un petit panier tressé, un mégaphone, une figurine d’okapi, un dessin d’enfant, une plante, un tissu ramené en souvenir du Botswana, un peigne, une clé USB, un disque vinyle d’un groupe alternatif local) est un très bon moyen de faire connaissance, de découvrir les intérêts de chacun·e et d’aborder déjà beaucoup de sujet centraux dans notre démarche : sentiment d’exclusion par rapport aux institutions culturelles, processus et critères de sélection des objets montrés dans les musées, codes qui régissent les lieux d’exposition, relations entre culture populaire et “haute culture”, valeur d'échange et valeur d’usage des objets, musée comme lieu possible pour porter des revendications activistes…
Le groupe se dirige ensuite dans d’autres espaces d’exposition où chacun·e est invité·e à choisir un emplacement pour y disposer son objet, s’insérant ainsi dans la proposition curatoriale. Une fois l’exercice réalisé, nous faisons une visite guidée de l’exposition ainsi transformée pendant laquelle chacun·e explique son choix d’emplacement, en faisant des liens thématiques ou formels avec des œuvres ou avec l’architecture des lieux, ouvrant sur l’idée qu’une médiation peut porter sur l’institution dans son ensemble plutôt que sur des expositions en particulier. Cet exercice pratique permet de faire ressentir très directement à chacun·e à quel point il est facile de trouver des liens entre ses propres centres d’intérêts et le travail d’artistes présenté dans une institution culturelle.
Des Polaroïds documentent l’action (ce qui pousse à une réflexion sur la mise en scène de l’objet et à l’angle de vue voulu) et permettent à chacun·e de ramener un souvenir de l’expérience.
En quittant les espaces, le foyer est occupé par un groupe d’entrepreneurs qui ont privatisé l’espace et se prépare à passer à table. Les plaisanteries faites par certain·e·s des participant·e·s sur le fait de ne pas être invité·e·s à ce repas nous permettent de parler du rôle public dans institutions culturelles, de leurs mode de financement et, une fois encore, de questions d’inclusion et d’exclusion, ce type d’événement donnant l’impression à certain·e des participant·e·s que le lieu d’art est exclusif/excluant, voire privé.
26.1.2022 (atelier de médiation du Centre d’art Pasquart)
Les premiers échanges autour des expériences d’exclusion vécues dans les institutions culturelles ont été en quelque sorte condensés dans la dernière session dans l’idée de faire du centre d’art un lieu possible pour mener une démarche revendicative voire activiste.
Anna-Lena et moi-même décidons de nous concentrer sur cet élément pour poursuivre le travail et nous préparons un atelier pour produire des slogans revendicatifs qui seraient soit adressés aux institutions culturelles elles-mêmes, soit à l’administration de la Ville de Bienne, afin d’éviter que la réflexion ne soit portée uniquement sur des questions d’accès à la culture. Nous voyons cette proposition comme un moyen de préciser les intérêts des un·e·s et des autres, et d’imaginer plusieurs stratégies possibles d’utilisation d’articulations entre lieu d’art et société.
Dans l’atelier de médiation du Centre d’art, deux tables sont installées (chacun·e de nous assure la modération à l’une de ces tables). Un demi-groupe se réunit à chaque table et discute, à l’une des tables, de propositions pour améliorer les musées et, à l’autre, de propositions pour améliorer la ville de Bienne.
A partir de ces discussions, chacun·e écrit un slogan revendicatif et le partage avec le groupe. Les participant·e·s choisissent ensuite l’un des slogans et les mettent en forme comme s’il s’agissait d’un panneau de manifestation.
Finalement, les slogans sont disposés sur une carte de la ville de Bienne (avec un Centre Pasquart volontairement agrandi), après une réflexion sur l’adresse principale de chacune des revendications.
23.2.2022 (atelier de médiation du Centre d’art Pasquart)
La session débute par un retour sur l’exercice mené lors de la session précédente. A partir d’un slogan, les participant·e·x·s, en petits groupes, sont invité·e·x·s à imaginer un projet concret qui pourrait être mené autour de l’une des revendications formulées.
L’un des projets imaginés cherche à rendre le musée plus démocratique et plus participatif, invitant ses employé·e·x·s à prendre plus de risques dans le choix de ce qu’iels exposent, les poussant à exposer des choses plus proches de la réalité des gens dans leur diversité, remettant ainsi en cause les normes dominantes. Le fonctionnement même du musée serait ainsi chamboulé : le processus de sélection des artistes, des œuvres et des thèmes serait basé sur un principe de consultation populaire. Une première étape consisterait à poser des questions dans la rue (et/ou en utilisant des relais associatifs) pour identifier quels objets ou pratiques devraient être présentés dans les musées. Les réponses seraient ensuite utilisées pour rédiger et rendre publique une lettre ouverte adressée aux directeur·ices d’institutions culturelles.
Une autre proposition entend – en s’adressant directement aux directeur·ice·x·s des institutions scolaires et culturelles (dépeints en “rois”) – proposer des chemins d’accès simplifiés pour tout un chacun vers ces lieux, en particulier par le biais d’une collaboration renforcée entre écoles et musées ou centres d’art. Une enquête préalable serait réalisée auprès de différents groupes de personnes et d’associations pour identifier les simplifications à apporter. L’art deviendrait un outil pour rendre visible ces futures voies d’accès simplifiées.
Une troisième idée porte sur l’idée d’améliorer le vivre ensemble à Bienne en menant des actions artistiques participatives variées (peinture, calligraphie, chant, théâtre…) au centre-ville de Bienne à des moments de forte affluence. Ces moments d’échange par l’art serviraient également à récolter des idées sur de nouvelles manières de concevoir les musées et centres d’art, comme de faire de l’art ensemble pour célébrer la diversité biennoise.
L’exercice ne permet pas de voir émerger de manière évidente une idée rassembleuse mais deux éléments clés traversent les propositions : l’outil de l’enquête et la volonté de rendre la diversité culturelle biennoise plus visible grâce à l’art et ses institutions.
A la fin de cette session – la première de ce volet du projet à être filmée par l’équipe de tournage (voir texte d’introduction commun) – la demande est également faite par plusieurs participant·e·x·s de voir des exemples artistiques qui pourraient nous inspirer pour la suite du projet.
30.3.2022 (atelier de médiation du Centre d’art Pasquart)
La séance est principalement consacrée à une présentation d’exemples de projets d’art et de médiation culturelle, que j’ai sélectionnés en fonction des discussions menées lors des rencontres précédentes. Il s’agit principalement d’échanger autour de projets où l’enquête joue un rôle central (le MoMA Poll de Hans Haacke, les Da Zi Bao de Group Material, les projets de repo.history, les recherche des Guerilla Girls…) et où l’art sert d’outil de revendication dans l’espace public (I want a President de Zoé Leonard, le travail de l’Atelier Populaire, ex-école des Beaux-Arts pendant mai 68…). Nous revenons également plus en détail sur l’importance jouée par le visuel dans l’approche de Paulo Freire.
Lors des discussions autour de ces projets – en particulier leMoMA Poll de Hans Haacke qui retient spécialement l’attention – le groupe précise alors sa volonté de travailler avec une forme d’enquête, sans savoir encore dans quel but exactement, auprès de qui celle-ci serait menée ou quels sujets seraient traités. Est néanmoins évoquée l’idée que les salons de coiffures biennois, dans leur diversité, pourraient être des lieux d’enquête 14 .
28.4.2022 (Ein Haus pour Bienne)
Lors d’une session qui prend place pour la première fois hors du Centre d’art Pasquart – pour marquer un changement de dynamique et entrer concrètement dans la phase de réalisation – je synthétise les points saillants de nos dernières discussions (la forme de l’enquête, la question de la diversité culturelle, l’idée de faire entrer d’autres pratiques au musée, le sujet de la coiffure) et nous nous mettons d’accord sur l’idée de réaliser une enquête auprès des salons de coiffure biennois, afin de réaliser une sorte de “portrait de la Bienne multiculturelle”, tout en posant de manière concrète des questions liées à la hiérarchisation des pratiques culturelles, aux identités multiples, à l’appropriation culturelle ou à la non-binarité. Le thème permettra de croiser des perspectives personnelles variées, d’évoquer l’histoire de l’esclavage (notamment avec les tressages qui permettaient d’échanger des informations voire à cacher des graines ou des cartes lorsqu’une personne esclavagisée était en fuite 15 ). Il permettra également de parler de hiérarchisation des pratiques culturelles (dignes d’entrer au musée ou non).
Je présente également le fait d’utiliser l’enquête de terrain comme un moyen de réinventer un outil utilisé par Paulo Freire pour préparer ses actions pédagogiques (voir ci-dessous et “outils pédagogiques” (note 9)) et dans la recherche action participante, un type de recherche inspirée par les écrits de Freire qui tente de dépasser la distinction entre chercheur·euses et “objets“ des recherches tout en produisant des transformations sociales.
Nous décidons, pour commencer le travail :
- De contacter des coiffeur·euse·s (en cherchant une mixité de genres, de langues et d’origines culturelles) pour leur proposer d’être interviewé·e·x·s.
- D’aller interviewer, par petits groupes, les propriétaires des salons (et/ou un·e coiffeur·euse) ainsi qu’éventuellement quelques client·e·s.
- De poser des questions sur les gestes, la créativité, les liens avec des pratiques culturelles plus large et sur la relation qu’iels entretiennent avec leurs client·e·s.
- De faire un enregistrement sonore des interviews.
- De réaliser ensuite une bande-son qui pourrait être présentée au Centre d’art Pasquart et éventuellement dans les salons de coiffures eux-mêmes.
Un principe très important est également arrêté collectivement : pour éviter toute forme d’exotisation, aucune représentation photographiques ou vidéo des salons ou des client·e·x·s ne sera faite.
Nous rédigeons une première liste de questions communes et partageons des références sur la dimension culturelle des cheveux et de la coiffure.
Après la session, j’adresse une longue lettre à tout le groupe, dans l’idée de partager les décisions prises avec les personnes ayant manqué cette rencontre et de remobiliser pour cette phase concrète certain·e·x·s participant·e·x·s que nous n’avons pas vu depuis longtemps.
11.5.2022 (Ein Haus pour Bienne)
Une nouvelle session à Ein Haus pour Bienne – en présence cette fois-ci de l’équipe qui réalise le film documentaire – sert à affiner la proposition et à nous construire un socle commun de réflexions théoriques autour du thème de la coiffure.
Dans un premier temps, nous résumons la proposition d’enquête pour les personnes absentes lors de la dernière session et nous reprenons la première liste de questions communes (et bénéficions notamment de l’expérience en journalisme de deux des participant·e·s pour ce faire). Nous décidons que chacun·e cherchera dès lors à entrer en contact avec des coiffeur·euse·s (nous partageons également un modèle de lettre qui pourra être adapté librement) et nous créons un groupe WhatsApp où chacun·e peut annoncer un rendez-vous pris et demander un·e accompagnant·e (l’idée étant d’aller par groupe de deux réaliser les entretiens).
La deuxième partie de la séance consiste en un échange autour de différentes lectures faites par chacun·e de nous. Nous discutons notamment de plusieurs textes traitant du rôle de la coiffure comme résistance dans des contextes de colonisation, d’esclavage ou de lutte pour les droits civiques (avec les ouvrages de Juliette Smeralda (Wuilbercq, 2014), de Fatou Dabo (2020) ou de Boakye (2018), la thèse d’Élian Gladys Eock Laïfa (2016), ou une présentation du travail de Binta Diaw par Françoise Vergès (2021)). Nous nous intéressons également à l’inclusivité dans les salons de coiffure en Suisse (notamment avec un article de Golestani (2022)). A partir d’une liste de références échangées lors des sessions précédentes et par e-mail, j’ai isolé une trentaines d’extraits que j’ai imprimés. Au dos dans chaque impression, j’ai sélectionné un mot-clé. Lors de la session, je dispose toutes les impressions mot-clés visibles. Par groupe de deux, les participant·e·s choisissent ensuite un mot-clé, lisent le texte correspondant, puis en discutent. Chaque groupe résume finalement à tou·te·s l’objet de la discussion. Je ponctue l’échange de certaines informations contenues dans les extraits qui n’ont pas été sélectionnés. L’échange est très riche et ouvre donc des discussions sur la coiffure comme un mode de résistance dans l’histoire de l’esclavage, sur la binarité de genre qui régit la plupart des salons mais aussi sur le rôle social des coiffeur·euse·s, sur l’appropriation culturelle, etc.
Nous terminons la session par un point technique sur l’utilisation de l’enregistreur qui sera utilisé pendant les interviews. Nous bénéficions des conseils avisés de l’équipe de tournage.
9.6.2022 (exposition Kudzanai-Violet Hwami, Centre d’art Pasquart)
Nous décidons avec Anna-Lena d’organiser une session courte (où nous faisons le point sur les interviews planifiées et la suite), couplée avec une visite guidée de l’exposition Kudzanai-Violet Hwami, artiste vivant à Londres et née au Zimbabwe. Cette exposition, très appréciée par le groupe, traite notamment des identités multiples, de la visibilité des corps noirs ou encore de questions de genre et de sexualité, résonnant avec plusieurs des réflexions menées lors de la session précédente.
29.6.2022 (atelier de médiation du centre d’art Pasquart)
Pour notre dernière rencontre avant la pause estivale, nous faisons un point intermédiaire sous la forme d’interviews individuelles menées par l’équipe de tournage. Les questions, que j’ai rédigées en dialogue avec l’équipe de recherche, sont pensées pour construire un premier retour réflexif polycentré sur l’expérience en cours. Cet échange est notamment un moyen de questionner chacun·e sur la pertinence de la démarche générative et sur les effets transformatifs produits ou à produire (voir ci-dessous). Les employées du centre d’art Pasquart parlent ainsi de la manière dont le projet se distingue d’autres actions menées, de l’intérêt de l’expérience pour repenser certains formats et des difficultés institutionnelles qui pourraient apparaître si ce type de projet devait devenir la norme. Les membres de CABBAK et les autres participant·e·s reviennent notamment sur leurs motivations à participer à l’expérience et sur la manière dont ce travail les pousse à imaginer d’autres actions qui s’appuieraient sur l’art.
A la suite des interviews, nous écoutons les enregistrements des premiers entretiens avec les coiffeur·euse·s, ce qui nous permet d’affiner encore la méthode (prêter attention à poser des questions ouvertes, faire répéter les questions aux personnes interviewées…) et nous faisons un point sur les prochaines interviews prévues.
13.9.2022 (atelier de médiation du Centre d’art Pasquart)
Après une longue pause due aux vacances successives des un·e·s et des autres, nous nous retrouvons pour faire le point. L’organisation des interviews prend plus de temps que prévu et CABBAK est engagé dans un travail intensif pour organiser le festival Black Helvetia 16 qui débute fin septembre.
Nous décidons alors d’organiser un nombre réduit d’interviews en nous concertant sur quelques entretiens signifiants par leur diversité et l’acuité des propos tenus. Puisque la sélection sera forcément très subjective et que les interviews ne donneront la parole qu’à quelques coiffeureuses, nous décidons d’entreprendre en parallèle une enquête systématique consistant à observer chaque vitrine de chaque salon biennois (environ 120) pour relever des signes relevant d’une culture spécifique (dans le nom du salon, les objets présentés dans les vitrines ou des supports de communication sur les offres proposées), enquête qui sera retranscrite sous la forme d’une cartographie.
Nous nous répartissons le travail et faisons un planning jusqu’à la fin de l’année. Anna-Lena nous conseille en effet d’essayer de présenter le résultat de l’enquête lors de l’exposition Cantonale Berne Jura, une exposition très visitée (car montrant le travail d’artistes de la région) dont le vernissage est le 4 décembre.
1.11.2022 (atelier de médiation du centre d’art Pasquart)
Nous planifions une session plus longue que d’habitude (où nous mangeons ensemble) pour travailler à une maquette de l’installation finale.
Bien que la proposition doive être validée par le directeur du Centre d’art nouvellement nommé, nous formalisons les grandes lignes de notre proposition : utiliser l’espace vitré à l’entrée du Centre d’art pour rejouer une vitrine de salon de coiffure, présenter la cartographie complète (mais subjective de par les informations sélectionnées) de tous les salons biennois et donner à entendre un montage sonore fait d’extraits mélangés. Je propose d’également présenter une sélection de citations issues des lectures que nous avons faites ensemble et, sur proposition du groupe, nous décidons de les graver sur des miroirs qui évoqueront l’intérieur des salons.
2.11.2022 – 2.12.2022 (groupe WhatsApp et Centre d’art Pasquart)
Anna-Lena et moi (personne d’autres n’étant disponible au moment du rendez-vous) rencontrons Paul, directeur de l’institution, qui affirme son soutien au projet et cherche à lui donner une visibilité importante. L’utilisation de l’espace pressenti est validée et le vernissage pourra avoir lieu – comme nous l’espérions – en parallèle à celui de la Cantonale Berne Jura, une exposition très visitée.
Comme convenu dès le départ du projet, une grande partie de la production même de l’installation est déléguée à différents spécialistes, dans le but d’assurer un rendu professionnel comparable aux autres propositions du Centre d’art. Dominik est engagé, sur les conseils de CABBAK, pour prendre en charge la partie graphique. Lea réalise le montage sonore (une bande son d’environ 25 minutes qui articule les voix de cinq coiffeur·euse·s interviewés). Paolo, responsable technique du centre d’art Pasquart, prend en charge l’accrochage.
Avec Anna-Lena, nous gérons la coordination entre ces différentes personnes, tout en veillant à maintenir un dialogue constant avec le groupe pour valider les décisions à propos des contenus et des formes. Un travail important de traduction de tout le contenu est également fait.
Ce travail de réalisation finale ayant lieu dans une période où tou·te·s les membres sont très occupé·e·s, ce dialogue prendra principalement place sur le groupe WhatsApp du projet. Nous validerons ainsi les supports de communication sur la base de plusieurs propositions du graphiste ; finaliserons le texte d’introduction ; arrêterons le choix des citations ; choisirons la forme des miroirs ; validerons la cartographie et le script du montage sonore. Les participant·e·s seront également invité·e·s pendant le montage à faire part de leurs remarques sur l’installation.
Une forme d’équilibre entre co-création collective du contenu et production technique par des spécialistes est ainsi trouvée et les rôles de chacun·e rendus transparents.
L’installation finale est constituée des éléments suivants :
- Un titre “U-BUNT-U Salon” (en lettres autocollantes posées sur la parois vitrée du Centre d’art, rappelant une vitrine de salon de coiffure).
- Une cartographie complète des salons de coiffure et barbiers de la ville. Les salons y sont symbolisés par de simples points, de manière anonyme et deux types d’informations sont données (des mentions à des lieux (continents, pays, villes) issues des noms de salon et des descriptions d’objets visibles dans les vitrines qui donnent des indications sur un lieu, une aire géographique ou une culture).
- Une série de miroirs des formes variées sur lesquels sont gravées des citations issues des lectures faites ensemble au fil de la recherche (voir ci-dessus).
- Une bande son (voir ci-dessous) de 26 minutes qui entrelacent des extraits d’interviews réalisées auprès de cinq coiffeur·euse·s (un coiffeur, d’origine turque, qui pratique la “coupe énergétique”, un duo de coiffeuses suisses bilingues, une coiffeuse originaire de Guinée-Bissau avec une clientèle brésilienne et dominicaine importante et une coiffeuse avec des origines africaines qui a suivi une formation de coiffeuse européenne classique). Les extraits sont organisés de manière thématique et traitent notamment de rapport à la beauté, des éventuels refus à certaines demandes des client·e·s, du rôle social des coiffeur·eus·s, des inégalités de traitement (service et tarifs) entre femmes et hommes, des différentes habitudes culturelles liées à la coiffure, de la créativité du métier, de coiffures que l’on verrait entrer au musée et des coiffures de l’année 2050.
3.12.2022 Vernissage (Centre d’art Pasquart)
Avant même l’heure d’ouverture annoncée, une foule compacte a rempli le lobby du Centre d’art. L’équipe de tournage venue filmer U-Bunt-U Salon s’est installée à l’entrée de l’installation, marquant une présence du projet dans cet espace, mais rendant la circulation peu aisée pour les visiteur·euse·s. Les participant·e·x·s au projet – la plupart des représentant·e·s du “deuxième cercle” ne sont pas présent·e·s et les coiffeureuses non plus – se retrouvent ainsi au fil de la soirée par petits groupes dans l’installation, devant la caméra. Anna-Lena et Lauranne sont sollicitées par différentes tâches et ne participent pas à ces échanges
Paul avait souligné l’importance de distinguer la Cantonale Berne Jura de notre projet (communication distincte, espace clairement séparé). Il dit néanmoins quelques mots élogieux sur U-Buntu-U salon dans son discours d’ouverture de la Cantonale Berne Jura et invite les spectateurices à découvrir le projet.
A l’invitation du directeur, il est décidé qu’un événement public spécifique à notre projet sera organisé plus tard. Les membres de CABBAK ont très envie de connaître les autres projets et nous décidons que cet événement final sera l’occasion d’échanger sur les quatre volets réalisés.
Enseignements sur la réinvention des outils freiriens
1. Produire un discours commun en dialogue
a) Faciliter la générativité
Comme expliqué, le projet est mené selon une logique “générative”, en se basant sur le concept freirien de “thèmes générateurs” (voir texte d’introduction commun). Chez Freire, ces thèmes sont identifiés en amont par une équipe de chercheureuses sur le terrain (voir ci-dessous) puis codifiés dans des visuels qui serviront de support à l’échange pédagogique et feront l’objet d’une décodification, dans un processus dialogique de conscientisation sur les conditions de vie de participant·e·x·s17 . Ici, nous décidons de ne pas définir de thème en amont, mais de faire en sort que chaque session en commun génère des éléments sur lesquels s’appuyer pour la session suivante. Comme nous l’avons vu dans la description des sessions, la relation de chacun·e à l’institution, soit une observation de la situation concrète dans laquelle nous nous trouvons, sert de point de départ.
A mi-parcours environ, les interviews d’Anna-Lena, de Lauranne et des participant·e·x·s ont montré un intérêt partagé pour cette approche et une volonté de considérer une approche générative pour des projets futurs.
Un participant souligne que le fait de rendre transparent l’indétermination de la finalité du projet et des thèmes qui seront abordés rend l’échange très agréable et le travail excitant, alors que dans d’autres cadres, le flou, parce qu’il n’est pas assumé, mène régulièrement à des tensions. D’autres mettent en avant qu’il est rare (même si l’on est habitué·e·x à prendre part à des activités de médiation culturelle) de participer à des projets où le sujet du travail ne nous est pas imposé mais est co-construit, et que cela à une valeur politique pour défendre des institutions plus démocratiques.
Ce principe simple demande néanmoins un effort de déconstruction des habitudes à la fois pour l’institution culturelle – habituée à devoir définir des plannings, à communiquer bien à l’avance des moments publics – et des participant·e·x·s (en particulier celleux qui s’attendraient à une offre plus classique de consommation culturelle) qui doivent accepter de s’impliquer dans un projet sans avoir une idée précise d’où il va.
Dans le cadre de ce projet en particulier, il s’est rapidement avéré nécessaire qu’une personne ou un petit groupe de personnes (ici Anna-Lena et moi-même, qui avons échangé au moins une fois en amont de chaque session pour préparer les rencontres) soit en charge d’observer avec une grande attention, de synthétiser les propos énoncés par chacun·e·x dans les échanges et de formuler une proposition pour chaque session à partir de cela, afin de pouvoir organiser les échanges (en particulier car ceux-ci était le plus souvent espacés de presque un mois). Il faut également que cette ou ces personnes gardent constamment en tête la planification du travail dans son ensemble, afin que cette logique de rebond d’une session à l’autre ne mène pas à des circonvolutions incompatibles avec le temps dont dispose toutes les personnes impliquées et rende le projet impossible à réaliser dans le temps et le cadre institutionnel donné.
Bien que l’on ne puisse évidemment pas éviter une certaine subjectivité propre aux personnes qui font cette synthèse dans la sélection des éléments à mettre en avant et sur lesquels construire la suite, il est important de chercher à restituer au plus proche les intérêts énoncés et les pistes de travail formulées. Être deux pour prendre en charge ce processus permet de croiser les observations de chacun·e pour être aussi fidèles que possible aux propos tenus durant les sessions de travail. L’envoi des lettres, entre chaque session, a également permis de proposer des synthèses intermédiaires auxquelles les participant·e·s pouvaient réagir si iels sentaient que la direction prise par le processus génératif n’était pas satisfaisante.
A une reprise, un participant ayant été absent à une session précédente, a dit ne pas comprendre le rapport entre le travail proposé (préparer une enquête auprès des coiffeureuses biennois·e·s) et les étapes auxquelles il avait précédemment pris part. Avoir consigné chaque étape et décision du processus dans les lettres a permis à Anna-Lena et moi-même, mais aussi à l’ensemble du groupe, d’expliquer facilement comment la transition s’était faite. Cette transparence de chaque étape semble être essentielle pour éviter que les participant·e·s ne puissent sentir un sentiment de perte de contrôle du projet, voire de manipulation.
b) Temps long et implication
Travailler en suivant une logique générative implique de laisser la place à de longues discussions, de faire des aller-retours sur certaines idées ou propositions, de tâtonner, d’explorer des pistes qui s’avèrent peu pertinentes. Dans une société où l’efficacité et la productivité priment, il peut être déroutant de s’impliquer dans un tel processus, aux finalités incertaines. Il est donc important, tout au long du projet, de rappeler la logique de travail mise en œuvre en montrant qu’une approche dialogique nécessite une forme d’incertitude quant aux résultats qui seront obtenus.
Maintenir l’implication d’un groupe “non-captif” sur un temps long est un défi dans tout projet artistique collaboratif, en particulier lorsque les participant·e·x·s ne sont pas rémunéré·e·s. Mais dans un projet génératif du type de celui-ci, un travail plus important encore sur la motivation des personnes impliquées doit être fait. Cela est spécialement vrai pour les personnes moins habituées à des projets expérimentaux et qui peuvent avoir des attentes, en rejoignant un tel projet, de propositions relevant plus de la consommation culturelle, ou de formats participatifs où les rôles sont très définis.
Malgré mes tentatives de construire des sessions avec des contenus clairement énoncés et une variété de formats (discussions thématiques, partages d’expérience, exercices pratiques, visites guidées, présentations de projets artistiques…), de communiquer par e-mail ou WhatsApp avec celleux qui avaient raté une session pour leur donner les informations nécessaires pour reprendre le train en marche, nous avons dû constater qu’au fil du projet, le groupe a eu tendance à se resserrer sur le noyau de personnes du départ (à quelques exceptions près), un noyau composé de personnes plus familières avec le travail culturel et les expérimentations artistiques.
L’enthousiasme communicatif de tout·e·s les participant·e·s lors des premières sessions m’avait fait penser qu’il n’y avait pas besoin d’élargir encore le groupe (les membres de CABBAK m’avait demandé si je pensais qu’il fallait le faire) mais j’ai sans doute sous-estimé cette difficulté à garder un groupe entier de non-spécialistes bénévoles engagés sur la durée. Terminer le projet avec un groupe plus large et plus varié de personnes impliquées avec régularité aurait facilité le processus et certainement rendu les échanges plus riches encore.
c) Condenser un propos collectif dans une forme assumée
Le travail artistique passe souvent par une phase de condensation d’un propos dans un symbole, une forme, un concept. Dans l’approche freirienne, ce sont d’ailleurs des artistes – comme Francisco Brennand (voir ci-dessus) – qui sont invités à “codifier” les ”univers thématiques“ identifiés par les chercheureuses sur le terrain en image. Cette codification est donc justement la condensation d’une recherche dans un objet artistique dont le décodage doit pouvoir laisser place à l’interprétation et varier en fonction des individus. Freire (1974 : 104) recommandait que ces codifications soient à la fois simples à décoder et complexes dans leurs possibles interprétations. Il écrit ainsi dans Pédagogie des opprimés :
Il est également essentiel, pour la préparation des tableaux de situations codées, qu’ils ne contiennent pas le thème central sous une forme soit trop explicite, soit exagérément énigmatique. Dans le premier cas, ils courent le risque de se transformer en tableaux de propagande devant lesquels les individus n’ont plus d’autre décodage à faire que de repérer docilement les éléments qu’on leur présente. Dans le second, ils risquent devenir des jeux de devinette ou des charades.
Ici, puisque les participant·e·s travaillent elleux-mêmes à la condensation de l’objet de leur enquête dans la forme d’une exposition publique, dans un processus proche de celui de codification, une recherche similaire d’un équilibre entre quelque chose de trop littéral ou de trop crypté doit être fait. Ce travail est véritablement un processus central du travail artistique, qui est ici pris en charge par des non-artistes, ce qui peut produire des difficultés, techniques tout d’abord et conceptuelles ou discursives ensuite. Afin de répondre aux premières, la décision a été prise dès le début du projet que la production elle-même serait déléguée à des spécialistes des techniques qu’il faudra convoquer (comme beaucoup d’artistes le font). En ce qui concerne le deuxième type de difficultés, un long travail de discussion a été nécessaire, afin de décider quel serait le contenu et le discours proposé au public et d’en assumer l’auteurité, avec toute la subjectivité que cela implique. Sans un tel travail de resserrage – où une modération d’une ou des personne·s extérieure·s au groupe de participant·e·s est très utile – un projet d’enquête comme celui mené ici pourrait rapidement devenir illisible car explorant trop de pistes simultanément et en rassemblant des témoignages nombreux qui rendraient la voix du groupe lui-même difficilement audible.
Fixer une date de présentation publique aura été un moyen de marquer un passage entre l’exploration – nécessaire dans toute la première phase du projet – et la condensation dans un contenu communicable.
2. L’enquête comme outil de réinvention
Dans l’approche freirienne, l’enquête est un outil clé pour rendre possible le développement d’une approche pédagogique liée à l’univers thématique spécifique d’un groupe de personnes vivant dans un lieu donné. Dans Pédagogie des opprimés (pp. 98-100) Freire décrit en effet comment des équipes de chercheureuses transdisicplinaires (psychologie, sociologie, pédagogie) préparent les actions pédagogiques en se rendant sur le terrain pour identifier les thèmes qui pourront servir de point de départ dans les échanges avec les apprenant·e·s. Le travail de prise de contact est important et les chercheureuses doivent d’abord engager la conversation de manière sympathique (Freire insiste sur ce terme) avec le plus de personnes possibles (qui seront sollicité·e·s pour devenir auxiliaires de cherche), expliquant la raison de leur présence et cherchant à récolter “une série d’informations sur la vie dans la zone, indispensables pour la comprendre” et finalement à identifier les thèmes centraux dans la réalité vécue par les personnes vivant dans la zone étudiée. Freire souligne encore qu’il faut étudier la zone dans sa diversité, en participant à différents moment (réunion d’associations populaires, moments de loisirs, visites d’habitants dans leurs maisons…).
Pour Freire, l’enquête témoigne en quelque sorte de la réinvention radicale constante de la tâche de l’éducateur·ice·x, contre l’idée que des recettes universelles (ou “une méthode”, terme qu’il a refusé tout sa vie d’utiliser pour parler de son travail) pourraient être appliquées. Dans une entretien donné en 1987 (Fraser, James, Freire, Paulo & Macedo, 1997), il répond ainsi au théoricien critique Donaldo Macedo 18 :
[…] je refuse de répondre aux demandes de recettes sur le « comment » faire. Quand un éducateur nord-américain […] se sent mobilisé par mon texte, il devrait commencer à pratiquer en tâchant de comprendre de manière critique les conditions du contexte dans lequel j’ai travaillé, plutôt que de se contenter de le suivre. […] Les éducateurs doivent également enquêter toutes les conditions de leur propre contexte. […] Si les éducateurs sont fidèles à cette réinvention radicale […] [c]’est là la prémisse pour adopter une posture épistémologique, philosophique, pédagogique et politique.
Pour créer l’U-BUNT-U salon, l’enquête a joué un rôle crucial et il est révélateur que l’approche méthodologique ai été choisie avant que le thème de la recherche ne soit arrêté. Dans une lettre synthétisant l’état des réflexions, j’avais ainsi écrit :
Les dernières sessions ont me semble-t-il montré votre intérêt pour un travail qui utiliserait l’enquête, qui permettrait de chercher des choses, de collecter des information en dehors de notre groupe, étendant encore la logique de cercles que vous avez débutée.
Cependant, de nombreuses questions restaient ouvertes sur comment cette enquête serait menée et, lors de la dernière session, nous nous posions notamment les questions suivantes :
- A qui s’adresserait-on ? Par quel biais ?
- Que faire avec les réponses qui ne seraient soit pas réellement intéressantes soit problématiques (réactionnaires, racistes...) ?
- Comment faire en sorte d’intégrer nos propres réflexions dans le travail, de ne pas s’effacer devant les réponses reçues ?
- Comment le résultat serait-il mis en forme et à qui serait-il adressé ?
- Que cherche-t-on à dire ?
Par rapport à la séquence que Freire proposait, le moment de l’enquête est ici déplacée : ce n’est plus un groupe de chercheureuses qui enquête en amont pour définir un univers thématique pour un groupe mais bien les membres d’un groupe qui elle·eux-mêmes mènent l’enquête pour définir leurs propres thèmes.
Ce déplacement fait de l’enquête un outil de réinvention non plus seulement de la tâche de l’éducateur·ice·x mais aussi du format des activités de médiation ou de participation culturelle habituellement proposés dans les institutions culturelles : il ne s’agit plus de faciliter l’accès à un contenu culturel, ni même à demander un avis ou récolter des points de vues spécifiques sur des œuvres, mais bien de construire son propre discours et de le rendre public. Dans ce processus, l’enquête permet à la fois de créer un contenu qui n’est pas prédéterminé, de favoriser une démarche collective où les compétences distinctes des différent·e·x·s membre du groupe peuvent être mobilisée et d’investiguer en profondeur un thème défini comme important par toutes les personnes impliquées.
Faisant écho au “tournant archivistique de l’art 19 ” ou aux pratiques actuelles de nombreux artistes qui incluent dans leur travail une large part de recherche 20 , un tel travail d’enquête peut trouver de manière naturelle une place dans les expositions d’art, permettant au groupe de non-spécialistes de devenir producteur·ice·s de contenu pour l’institution hôte.
En se plaçant, là encore, dans la tradition de la recherche action participante, l’enquête telle que menée ici cherche une forme de transformation du réel et rompt avec la distinction entre chercheureuses et objets de la recherche. Ce type d’approche est plus que jamais nécessaire aujourd’hui pour développer une forme d’écopédagogie 21 qui donne des outils pour se poser des questions critiques, développer une pensée complexe et favoriser l’action 22 .
CONCLUSION
Dans le texte d’introduction commune du projet de recherche, l’équipe de chercheur·euse·s mettait l’accent sur la notion d’“inédits possibles” qui, d’après Freire, peuvent résulter d’une pédagogie conscientisante et nous reprenions à notre compte cette idée de faire émerger au fil de la pratique des propositions ou des actions inédites et non anticipées. En guise de conclusion, je peux ainsi chercher à quels endroits de tels “inédits possibles” ont pu apparaître.
Les interviews menées avec les membres de CABBAK ont montrées que le projet avait “totalement ouvert des nouvelles perspectives pour le collectif” 23 . Le collectif a ainsi l’envie d’utiliser plus le médium artistique pour développer de nouvelles formes de luttes contre le racisme et le misogynie, notamment en utilisant des outils performatifs lors des événements ou manifestations auxquels ses membres prennent part, afin de “toucher différemment” le public. En parallèle à la dernière partie du projet, le collectif s’est d’ailleurs engagé dans la réalisation du festival Black Helvetia 24 , en développant notamment l’exposition Être une femme noire ou afrodescendante en Suisse.
CABBAK pense aussi pouvoir participer à faire changer la vision du musée ou du centre d’art auprès des personnes qui suivent ses actions, en le présentant comme un relai possible de propositions activistes et non pas comme un lieu “fermé, élitiste et raciste”.
Il s’agit également pour les membres de CABBAK, par un projet comme U-BUNT-U salon, de changer l’institution de l’intérieur et de rendre son personnel plus attentif “aux oppressions auxquelles nous nous confrontons”, tout en consolidant leur connaissance de ce qu’une institution comme le Centre d’art Pasquart mène déjà comme action pour favoriser la diversité et l’inclusivité, au niveau de son organisation interne, des projets de médiation soutenus, comme des artistes invités.
Des participant·e·s au projet invité·e·s par CABBAK notaient également l’importance de pouvoir s’adresser directement à des employé·e·s du Centre d’art et de proposer concrètement des projets qui ancrent le musée dans la société et ouvre un espace pour discuter de points conflictuels 25 . Tou·te·s croient que c’est par la multiplication de tels projets qu’un changement profond pourra prendre place pour faire de l’institution culturelle un lieu plus inclusif et plus démocratique.
Pour l’institution – représentée par Anna-Lena et Lauranne – le projet est expérimental à plusieurs égards et ouvre ainsi de nouvelles perspectives. Lors des premières prises de contact, la proposition nous avait été faite d’intégrer ce projet à la série Commenter l’art (voir ci-dessus), menée depuis plusieurs années au sein du Centre d’art. A premier abord, Commenter l’art peut en effet sembler proche de la proposition développée pour Réinventer la pédagogie des opprimé·e·x·s, en cela qu’il propose à un groupe de non-spécialistes d’intervenir dans les espaces d’exposition en formulant leur propre “commentaire”. Néanmoins, la différence fondamentale se situe dans le fait que les groupes invité·e·s prennent comme point de départ un objet culturel choisi par l’institution, s’inscrivent dans le calendrier de l’exposition en cours et proposent un commentaire qui est “en marge” (bien qu’une belle visibilité lui soit donnée) de l’exposition elle-même.
Le changement apporté par U-BUNT-U salon, s’il est peu spectaculaire dans l’ensemble des activités de l’institution, est néanmoins fondamental : des non-spécialistes sont soutenus pour mener un projet totalement ouvert dont les résultats sont incertains et le calendrier peu défini. Plus encore, le projet aura permis de faire entrer dans l’institution des pratiques culturelles populaires, non par le biais de pratiques d’artistes reconnus qui prennent de telles pratiques comme sujets du travail – en courant le risque de développer des formes de récupération culturelle ou de condescendance 26 – mais par un travail d’enquête dans une logique grassroots.
Pour les médiatrices du Centre d’art 27 , le projet aura ainsi ouvert des perspectives intéressantes et inédites quant à l’approche générative qui permet de travailler au plus proche des intérêts d’un groupe, à l’utilisation de l’enquête et au mode de constitution des groupes (la logique de cercles excentriques pourrait être appliqué à de nombreux projets pour diversifier les groupes impliqués). U-BUNT-U est également, aux dires des médiatrices, une occasion rare de pratiquer une médiation non pas d’expositions spécifiques mais de l’institution dans son ensemble, abordant celle-ci de manière critique.
La Pédagogie des opprimé·e·s est également identifiée par les médiatrices comme une source intéressante pour développer au sein de l’institution une approche plus politique voire activiste avec différents groupes (en particulier des adultes, moins adressés que les jeunes publics par les offres de médiation existantes), afin de faciliter ainsi l’intérêt des habitant·e·x·s d’une ville multiculturelle et de tradition industrielle pour l’institution.
En travaillant sur le long terme à un tel projet qui nécessite une réflexion constante sur la direction prise par les échanges et les enjeux politiques inhérents ainsi qu’un partage réflexif continue entre toutes les personnes impliquées, les médiatrices ont l’occasion de travailler à un projet qui sort plus que d’ordinaire des fonctions affirmatives et reproductives de la médiation 28 et qui permette de mobiliser une forme de réflexivité d’ordinaire difficile à concilier avec les exigences liées à tous les projets menés de front.
La réception de ce type de projet – dont le contenu est généré par l’échange – par l’institution dans son ensemble et par la direction (qui a changé au cours du projet) en particulier, ne pourra être évalué que sur le moyen-terme : la volonté du Centre d’art à participer à un projet Réinventer la pédagogie des opprimé·e·x·s et le soutien matériel et humain mis en œuvre ont été bien réels mais U-BUNT-U Salon reste un projet relativement confidentiel (malgré un bel article publié dans le Bieler Tagblatt 29 ) et isolé, et la question de la manière dont l’institution accepterait d’évoluer pour accommoder et financer de plus nombreux projets de ce type à l’avenir reste ouverte.
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- CABBAK (2023). ↩
- Voir par exemple : Ngomane (2019) ↩
- Le projet s’est développé autour de trois axes centraux : une recherche historique tout d’abord, participant à la réinsertion de Freire dans la paysage officiel de la pédagogie à Genève (voir microsillons, 2022) ; une série de rencontres et d’événement performatifs dans différents lieux culturels ensuite (à la Biennale de espaces indépendants de Genève en 2015, au IAC de Villeurbanne et à la Biennale de São Paulo en 2016 notamment) ; des actions concrètes pour réengager sa pensée dans les institutions culturelles finalement, comme c’est le cas du projet décrit ici. ↩
- Interviews (2022). ↩
- Interviews (2022). ↩
- Interviews (2022) ↩
- Lettre ouverte par des artistes et travailleuses·x·eurs culturelles·x·els Noires·x·rs en Suisse (2020). ↩
- Voir notamment les expositions de Nilbar Güreş (17.4.2021 – 13 .6.2021) ou Kudzanai-Violet Hwami (10.4 – 12.6 2022) ou Stéphanie Saadé (28.1.2022 – 27.3.2022). ↩
- Voir les outils de réengagement proposé sur le site ↩
- Voir notamment les trois livres de Freire : Pedagogy in Process: The Letters to Guinea-Bissau ; Letters from Those Who Dare Teach ; Letters to Cristina. ↩
- Thiollent (2011) montre que le texte Creating alternative research methods. Learning to do it by doing it, de Freire a joué un rôle clef dans le développement de la Participatory Action Research ↩
- Interviews (2022). ↩
- Voir ci-dessous. ↩
- Voir : Madörin et al., 1998. ↩
- Vergès (2021). ↩
- Black Helvetia (2022). ↩
- Voir le chapitre trois de Pédagogie des opprimés (Freire, 1974). ↩
- Freire & Macedo (1987) (traduction Bibliothèque numérique P@ulo Freire, https://www.bibliofreire.org/pedagogie-enquete-et-non-recettes/) ↩
- Voir par exemple Merewether (2006) ou Callahan (2022). ↩
- Voir Candy & Edmonds (2018). ↩
- Une notion née dans les années 1990, dans les écrits de Francisco Gutierrez (Gutiérrez & Cruz, 1997) et de Moacir Gadotti (2000), ancien directeur de l’institut Paulo Freire de São Paulo. ↩
- Voir à ce propos la thèse de Curnier (2017 : 210). ↩
- Interviews (2022). ↩
- Black Helvetia (2022). ↩
- Interviews (2022). ↩
- Voir à ce propos Lupton & Miller (1999). ↩
- Interview (2022). ↩
- Voir les distinction entre les différentes fonctions de la médiation culturelle que propose Carmen Mörsch (Chrusciel & Mörsch, 2012). ↩
- Grimm (2023). ↩