L’un des atouts du projet réalisé entre la classe Access II et le Centre d’Art Contemporain Genève réside dans son inscription dans le cadre scolaire. Cela a permis de consacrer un temps considérable à l’aspect dialogique du projet, avec le soutien de l’équipe pédagogique qui a donné de la place à la collaboration au-delà des heures strictement prévues et a permis, pour les étapes d’écritures notamment, d’aboutir à des dialogues bien écrits pour le film. Ce travail sur la langue s’est poursuivi lors du tournage.
Comme la description le laisse entendre, la forme aurait pu être donné dès le démarrage de la collaboration, ce qui aurait permis certainement de consacrer plus de temps à la dimension dialogique, notamment à l’étape de l’identification des noyaux de contradictions. Considérer les dimensions techniques comme une donnée de base aurait ainsi permis une production plus aboutie en déléguant une partie de la prise en charge à des personnes compétentes et en les intégrant au dialogue dès le début des échanges avec le groupe.
Il faut souligner l’intérêt de travailler une dimension textuelle en parallèle à la dimension visuelle. Cela amène une richesse à la dimension pédagogique du projet, permettant de convoquer des compétences de disciplines multiples 1 .
Dans une perspective freirienne, on peut considérer que les étapes clefs de son approche se trouvent bien traduites dans l’ensemble de la collaboration. Les rencontres ont ainsi permis de croiser des observations à partir d’images proposées par les élèves et ont pu émerger des discussions des noyaux de contradictions (en lien notamment avec leur situation de jeunes immigrés en Suisse et leurs perspectives d’avenir). De là ont été menées des séances qui ont permis d’isoler un thème générateur, celui de la motivation, qui a été déployé dans un scénario mettant en scène des dialogues virtuels, illustrant la notion d’inédit possible. Les codages (images) produites seront des collages visuels entre des séquences filmées collectivement par les élèves et des incrustations de séquences d’archives choisies individuellement.
La façon dont ont émergé les “noyaux de contradictions” et les “thèmes générateurs”, en prenant le temps de discuter sans forcément chercher à diriger les échanges vers un résultat, en réadaptant les étapes au fur et à mesure de ce dialogue, est particulièrement intéressante en terme pédagogique et stimulante car elle a permis un échange réel sur les champs d’intérêt de chacun·e. Cette approche peut être traduite aisément pour d’autres contextes, en gardant en tête quelques principes.
Il faut créer un cadre dans lequel la discussion peut se déployer et cela nécessite du temps. Consacrer plusieurs séances à discuter sur la base d’éléments que les participant·e·s apportent (ici, nous avons commencé par des images) permet la prise de parole de chacun·e, un partage dont on peut “régler” la dimension personnelle, dimension qui se réajuste au fur et à mesure des discussions et des apports de chacun·e. C’est dans ces prises de paroles successives que vont émerger les noyaux de contradictions. Il est important qu’une personne qui encadre le groupe prennent des notes de ces conversations (des enregistrements sonores seraient assez lourds à gérer) pour faciliter l’identification de ces derniers. Investir différents lieu peut se révéler être un atout, en permettant de développer une relation consciente au quotidien de chaque acteur·ice·x·s du projet.
Les points importants facilitant l’émergence de noyaux de contradictions et de thèmes générateurs communs seraient ainsi :
- Un groupe de taille réduite mais stable
- Un travail d’observation et de prise de note par les personnes qui encadrent
- L’ancrage de l’échange dans les activités habituels du groupe (ici le programme scolaire)
- Une définition claire de certains éléments concernant les visés du projet (ici, annoncer le film comme une donnée de base)
- La souplesse du cadre temporel
- La circulation entre des espaces familiers et d’autres lieux lieux culturels (ici, la salle de classe, le Centre d’Art Contemporain et la HEAD – Genève)
- Différents niveaux de “cadres“ et des personnalités complémentaires
- Un soucis particulier porté à la dimension de “care”
- Le travail veru une forme finale qui permette d’agencer du texte et de l’image
- Un moment de valorisation public
- Par ailleurs, dans ce cas précis de l’ACCESS II, l’apprentissage du français a une place prépondérante et donner une place importante à cet aspect a permis d’assurer la légitimité du projet dans le cadre institutionnel. ↩