Organiser une collaboration avec un groupe volontaire militant dans un cadre culturel, autour d’un texte.
L’un des atouts majeurs de le partie du projet menée au MAMCO avec Trenza tient à la constitution préalable du collectif sous la forme d’un groupe volontaire militant. Cela a assuré premièrement l’engagement des membres dans le groupe et dans le projet. Deuxièmement, cette spécificité a assuré l’existence, d’emblée, de thèmes générateurs dans le dispositif, puisque le groupe était constitué autour d’un but politique clair, fixé par avance. De surcroît, cette dimension militante a favorisé l’engagement et la force de proposition du groupe. L’avantage clair de collaborer avec un groupe préexistant au projet tient à la cohésion et la confiance du groupe : les membres se connaissent, s’apprécient et ont des habitudes de travail communes. Dès lors, la phase de construction du groupe est bien plus rapide et peut se focaliser sur la rencontre de ce collectif préexistant avec l’équipe de l’institution et de l’équipe de recherche.
Comme la description du projet le laisse apparaître, certains écueils doivent être évités dans la mise en place d’une telle collaboration. D’abord, l’accord sur les horaires entre l’institution et le groupe n’est pas évident à trouver car les heures de rencontres d’un groupe militant ne sont souvent pas les mêmes que les heures d’ouverture d’une institution culturelle. Une flexibilité de la part de l’institution est donc nécessaire. La question des disponibilités, en termes d’horaires des rencontres de la part des différent·es participant·es, de durée et de planning à moyen et long terme mérite d’être minitieusement coordonné en amont du processus.
Le processus mis en place ici, qui peut être réengagé dans d’autres contextes a consisté en la lecture collective d’un texte 1 , suivi par des expérimentations artistiques/créatives faisant écho à la réception du texte par le groupe et résultant dans une performance publique.
On peut considérer que les étapes clef de l’approche de Freire ont bien été traduites dans l’ensemble du dispositif mis en place ici : les rencontres ont permis de croiser une lecture du texte et une prise en main de l’approche proposée par l’auteur et la lecture du texte suivi d’appropriations de techniques artistiques ont facilité discussion et actions autour des thèmes générateurs qui charpentent les thèmes principaux proposés par le collectif ce qui constitue en soi une forme d’inédit possible. Cette appropriation par le groupe du texte et des techniques a ainsi ouvert un horizon d’expérience, c’est-à-dire un mouvement d’un point vers un autre (Dewey, L'art comme expérience, 2005 [1915], 80-sq).
Si les formes d’engagements militants se sont ici bien accordés avec l’approche freirienne et que la teneur militante du texte et de l’approche a été bien reçue par le groupe, qui se l’est appropriée, on peut évidemment imaginer mener un projet similaire à partir d’un texte d’un·e·x autre auteurxice.
Les points importants contribuant à la réussite d’un projet de ce type sont :
- Un groupe de taille réduite mais stable
- Un calendrier clairement défini au départ par le/la chercheureuse
- La circulation entre espaces familiers et lieux culturels pour lire le texte et se l’approprier
- Un soucis particulier porté à la dimension de « care »
- Une bonne connaissance et compréhension des grammaires de luttes et d’engagement du collectif
- La définition d’un cadre qui permette de travailler à des formes de réappropriation créatives du texte et à rendre ce travail public
- Freire, Paulo (2001). Pédagogie des opprimés. Paris : La Découverte [édition originale en français : 1974. ↩